Autour du bar du Grec gravite une foule de petites frappes, voyous à la petite semaine, qui passent des nuits à rêver argent facile, filles avec lesquelles coucher, et belles bagnoles. C’est tout un monde de misère qui se réunit chaque nuit, tenant debout grâce à un cocktail détonant d’alcool et de drogue, et s’enfonce chaque nuit un peu plus dans la fange.
Il y a un peu plus de deux ans, la lecture du Démon avait été une telle claque que je m’étais juré de continuer à découvrir l’œuvre de l’auteur. D’ailleurs, je crois bien n’avoir rien lu de si fort depuis… excepté Last Exit To Brooklyn, qui prouve une nouvelle fois à quel point Selby Jr. excelle dans la peinture des noirceurs américaines.
Le livre est constitué de six parties, qui plongent dans la triste vie de personnages paumés se satisfaisant de leur existence qu’ils croient tapageuse mais n’est en réalité que misérable. Ainsi, dans la deuxième partie, Georgette, un travesti, tente de faire succomber à ses charmes le beau Vinnie qui la maltraite et la méprise, sous des airs de feinte camaraderie. Douleur physique, douleur morale, tout se noie dans la benzédrine, pour dessiner un triste portrait des illusions amoureuses.
Dans la quatrième partie, la plus terrible à mon sens, on suit la jeune Tralala dans sa fulgurante descente aux enfers. Accompagnant quelques voyous, elle détrousse chaque soir marins ou soldats, qu’elle séduit avant que ses acolytes ne leur vident les poches, quitte à les laisser pour morts s’ils s’avèrent récalcitrants. Voulant faire bande à part, Tralala se met à coucher pour de l’argent, qu’elle ne réclame pas mais qu’elle fauche. Si cet argent vient d’abord facilement, Tralala se prend au piège et, lorsque des hommes la refusent, ou la violentent pour échapper à ses stratagèmes, elle veut se rassurer. Alors, pensant qu’elle peut toujours séduire, elle sera victime d’un viol collectif parce qu’on sait d’elle qu’on en obtiendra ce qu’on en veut.
« Elle retourna au bar pour retrouver un autre type ou un bateau tout entier. Ca ne changeait pas grand-chose. »
« Elle ne regardait même plus autour d’elle se contentant de dire oui, oui, qu’est-ce que ça fout et elle poussait son verre vide vers le barman et parfois elle ne voyait même plus le visage de l’homme saoul qui lui payait des pots, qui se roulait sur son ventre ou sanglotait contre ses seins ; elle buvait puis arrachait ses vêtements, étendait les jambes et se laissait partir à la dérive dans le sommeil ou l’hébétude de l’ivresse après qu’il l’eût baisée. »
Parfois insidieuse, parfois éclatante, la violence est partout dans ce recueil de Selby Jr. où les personnages, guidés par leurs plus bas instincts, agissent entre eux comme des animaux. Les relations de couple n’existent qu’à travers cette violence, physique et sexuelle. Les enfants grandissent livrés à eux-mêmes, plongés dans cette même violence familiale au quotidien.
Les personnages naviguent dans une vie sur laquelle ils n’ont aucune prise, et qui les balaie les uns après les autres, causant leur perte. Last Exit To Brooklyn est un coup de poing porté à l’estomac, un de ces livres qui vous coupent les jambes par tant d’horreur et de misère portées aux nues par les personnages eux-mêmes.
Je ne connais pas du tout cet auteur…
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C’est un grand auteur américain, mais il ne faut pas avoir peur de mettre le nez dans les bas-fonds de l’âme humaine pour le suivre !
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Il est dans ma PAL depuis des années… Toujours pas lu, c’est honteux…
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J’ai fait traîner celui-là trop longtemps… Mais si tu savais tout ce qui y traîne encore !
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Bonjour Neph, j’ai lu ce roman il y a plusieurs années, c’est éprouvant. Tout comme l’adaptation filmique d’Uli Eidel qui date de 1989. Bonne après-midi.
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