Le Cosmonaute, Philippe Jaenada

Après des années de célibat gai et insouciant, Hector rencontre Pimprenelle, qui apparaît dans sa vie et s’impose à lui, dans toute sa folie et dans toute sa légèreté, comme la femme de sa vie. Parents d’un petit Oscar, ils ont tout pour être heureux. Mais Pimprenelle devient petit à petit une autre, et impose aux hommes de sa vie un quotidien éprouvant et usant.

jaenada

C’est une virée récente à Paris qui m’a mis ce Jaenada entre les mains, trouvé au détour d’une librairie spécialisée dans l’occasion : j’ai aussitôt pensé à Stephie, qui en a vanté les mérites à deux reprises.

D’emblée, le style de l’auteur surprend. Il use et abuse des parenthèses, parfois enchâssées, et part dans des digressions déjantées qui m’ont réjouie. Tout est prétexte à la plaisanterie, et Hector, le narrateur, s’impose à nous comme étant un homme excessivement sympathique.

Toutefois, contrairement à ce qu’on lit sur la couverture, Le Cosmonaute n’est pas qu’un roman pour rire. L’accouchement de Pimprenelle, raconté dans la première partie, est une succession de moments douloureux, et rien ne nous est épargné dans la souffrance de la parturiente. En nous racontant son impression, Hector remet l’homme à sa place difficile lors de l’accouchement, entre sentiment d’impuissance lorsque la femme perd pied à force de douleur et d’inutilité dans le travail de mise au monde. C’est un long passage aussi émouvant que touchant, mais qui semble déjà rompre un peu la solidité du couple atypique que Pimprenelle et Hector forment tous deux.

Pimprenelle, après la naissance d’Oscar, devient peu à peu une femme jalouse, possessive, et obsédée par le ménage et le rangement de leur foyer. Chaque chose a sa place, à quelques millimètres près. La logique qu’elle développe dans le rapport entre son mari et le monde extérieur devient faussé : « dans son esprit détraqué, si je suis bien avec quelqu’un d’autre, c’est que je ne suis pas bien avec elle. Chacune de mes distractions est une défaite pour elle.«  Toute la fin du livre se déroule dans un climat d’excessive tension entre les deux époux, et Hector est partagé entre son amour pour Pimprenelle et les envies de violence, voire de meurtre, qu’elle lui inspire.

En effet, au-delà du rire et de la tension, le récit est avant tout un roman d’amour, dans lequel Hector témoigne de l’amour et de sa dépendance envers la singulière Pimprenelle, « avec son corps fait pour baiser, son sourire qui [le] désintègre, ses yeux perdus, son visage, clair, si émouvant, sa tête de folle. »
Leur rencontre, comique au possible, dans une forêt allemande peuplée de motards crasseux à l’occasion d’un mariage, est un vrai coup de foudre : « en une seconde, je me suis senti happé par elle, projeté en elle – je lui appartenais, j’étais déjà quelque part en elle, en une seconde de mélange. Je la reconnaissais comme celle en qui je devais me fondre – j’éprouvais une sensation, violente, de reconnaissance. C’est comme ça. […] Il me suffisait de l’avoir trouvée, de savoir qu’elle était là : le reste n’était qu’une question de mots, de manières, de construction. »

Première lecture réussie d’un Philippe Jaenada : voilà qui en présage bien d’autres !

15 réflexions sur “Le Cosmonaute, Philippe Jaenada

  1. DF dit :

    Je confirme: Philippe Jaenada, ça vaut le détour, et l’auteur a quelques inconditionnels dans la blogosphère du livre. Je garde un excellent souvenir de « Vie et mort de la jeune fille blonde », et me suis beaucoup amusé avec « La Femme et l’ours » – qui a du reste été accompagné d’un blog assez farce, illustré par les lectrices et lecteurs du livre: http://lafemmeetlours.blogspot.ch/

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