Meurtres pour rédemption, Karine Giebel

Détenue condamnée à perpétuité pour un triple meurtre, Marianne est un souffre-douleur pour l’ensemble du milieu carcéral : « née pour tuer », elle est la cible à abattre pour ses compagnes de détention, mais aussi pour certains matons, puisqu’elle a abattu deux flics. Bercée par les passages répétés du train sous sa fenêtre, la jeune femme s’évade en pensée, aidée par des fixes d’héroïne dont elle s’offre le luxe grâce à Daniel, un gardien aux yeux verts qui lui fait bientôt chavirer le coeur. Mais l’irruption au parloir de trois flics qui lui proposent la liberté bouleverse son quotidien plus que prévisible et lui offre une perspective inopinée d’avenir… dont le prix ne pourra être autre que celui du sang.

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Les policiers de Karine Giébel ont toujours été l’assurance de romans efficaces, percutants, sans temps morts ni bons sentiments qui viendraient gâcher mon goût pour l’action. Avec Meurtres pour rédemption, j’ai été servie.
Depuis les mauvais traitements par certains gardiens assoiffés d’une justice à leur sauce, aux passages à tabac et mises à mort dans les douches et les promenades, en passant par les privations, les manques et le non-respect de la personne humaine, l’auteur campe le décor de son roman dans une prison aux matons sans foi ni loi. On se prend à craindre le moindre déplacement de Marianne dans la prison, parce que le danger guette.

Marianne, au prénom qui résonne avec ironie de ses accents de liberté entre les murs de la prison, est un être d’excès. Elle aime comme elle tue, par rage, sans calcul ni préméditation, en s’abandonnant quels que soient les risques. N’ayant rien à perdre, elle se donne à Daniel pour le prix de quelques paquets de cigarettes : elle n’estime pas plus cher le prix de son corps.
Mais Daniel, qui pensait détenir les règles du jeu comme la clé des menottes, perd vite pied.

Ils se jetaient ensemble dans le vide, dans un brasier qui allait les consumer.
Vertige garanti. Lui comprit qu’il n’en sortirait pas indemne. Il y aurait un prix à payer. Faire l’amour à cette fille, c’était presque commettre un crime. Mais il se noyait dans son regard d’ombre, s’abîmait dans ce corps sublime, se disloquait sur ses flots déchaînés.

Tous deux se perdent dans un amour déraisonnable autant qu’imprudent.

Ils finirent par terre. Le lit n’était pas assez grand. La cellule non plus. La prison elle-même n’était pas assez vaste pour accueillir leur étreinte. Même le monde était trop étroit pour les contenir, les comprendre.

Mais un tel amour suscite des jalousies dès lors qu’il ne passe plus inaperçu, jusqu’à ce que la passion instille des sentiments très laids dans l’esprit d’une gardienne jalouse.

Elle n’aurait pas son amour, pas même son désir. Elle aurait au moins le lot de consolation. La vengeance.
Elle pleurait toujours. Le coeur flétri de hargne, le corps enflé d’une tristesse sans nom. La peau moite de jalousie. Cette jalousie qu’elle connaissait si bien. Jalouser, envier. Seconde nature. Ca la rongeait depuis toujours. Comme une lèpre chopée à la naissance.

Ce qui fait encore plus froid dans le dos, ce ne sont pas tant les épreuves dignes d’une jungle, ou la vengeance dévastatrice d’une rivale amoureuse, que les mystérieuses arcanes du pouvoir aux mains des ministres et des hauts fonctionnaires, dont les passe-droit évoqués dans les 989 pages de Meurtres pour rédemption laissent entrevoir un univers d’intouchables et qui donne la nausée.

De quoi imposer, si ce n’était déjà fait, Karine Giébel parmi les grands noms du polar à la française.

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