Un Souvenir indécent, Agustina Izquierdo

Didac Cabanillas est mort depuis plusieurs années déjà lorsque Blas rencontre par hasard dans Barcelone celle qui fut sa maîtresse, Elena Berrocal. Ils se revoient à quelques reprises, assez pour qu’Elena avoue sa vérité sur les rapports qu’elle entretenait avec Didac, et que Blas confronte à ce que lui avait confié son ami avant de mourir.

L’indécence proclamée par le titre de l’ouvrage n’est pas feinte : Elena raconte qu’elle a su rendre Didac fou de désir, en exigeant de lui qu’il la fasse jouir, en usant de ses doigts, dans des lieux publics ou offerts aux yeux de tous. Elle se fait un malin plaisir d’initier Didac aux délices du langage cru, renforçant son excitation.

Il mit longtemps à s’éprendre de cette liberté que j’avais dans l’usage du langage, cette liberté de parler sans mentir. Puis il éprouva cette allégresse qui éclaire l’esprit de ne jamais se duper avec des mots. Il connut cette jubilation, d’autre part, que tout le corps ressent quand la bouche prononce lentement des expressions qui ne sont pas permises d’ordinaire, et quand on les articule posément, fermement, pour les rendre moins tolérables encore.

Pourtant, malgré les apparences, Un Souvenir indécent n’est pas un livre érotique. C’est un condensé de douleurs, qui se fracassent les unes après les autres contre les incompréhensions du pseudo-couple formé par Elena et Didac. Pas une fois elle ne se donnera à lui, pas une fois elle ne lui offrira son corps, qu’il désire tant.

Mon plus grand voyage était peut-être d’enfoncer mes joues, mon nez, mes lèvres sur ses seins si ronds et si lourds. Mais sans cesse, elle cherchait ma bouche, éloignait mon sexe de la proximité de son corps et suppliait :
« M’aimes-tu ? »

Qui est donc Elena ? Pourquoi se refuse-t-elle à Didac, qui lui témoigne pourtant son attachement, qui est présent pour elle et lui offre tant ? Les facettes que laissent apparaître le propre récit d’Elena, la confession de Didac et les souvenirs de Blas ne révèlent que trop peu de cette activiste politique, anarchiste devenue dévote mais qui ne trouve aucun secours dans son dieu.

Dieu est cruel. Son image est muette. Des mains qui sont clouées ne caressent pas.

Le plaisir féminin, qui sous-tend le récit, en est pourtant le grand absent. Paradoxalement, il semble être recherché autant que craint par Elena. On ne sait si elle le considère comme un abandon ou un aveu de faiblesse, mais son attitude fuyante sème le doute.

Le plaisir qui nous arrache la joie la plus intense est parfois une prison où nous souffrons.

C’est donc l’insatisfaction qui prime, mais Elena n’est pas claire. Blas s’en rend compte : son récit n’est pas cohérent avec l’impression de Didac.

Je n’ai jamais joui dans les bras d’un homme. Ils épongent un ruisselet. J’ai toujours rêvé de la mer.

Les mots de Didac révèlent un homme meurtri, rongé par le désespoir d’un désir jamais partagé et d’un amour qui se dit sans se traduire par les corps. Le chapitre XXVIII est un manifeste sublime sur le désir masculin.

Un Souvenir indécent est une réflexion complexe sur l’attraction des corps, plaisir et désir, mais qui, a posteriori, laisse une impression d’irrésolu et d’incompréhension sur le pourquoi du comportement d’Elena.

mardipermis

 

Une lecture réalisée
dans le cadre du premier
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